Comores : Aux racines de la crise politique comorienne

Initialement, l’accession au pouvoir du président Azali Assoumani en 2016 a été vue comme une lueur d’espoir pour la stabilité politique dans l’archipel, surtout après une période marquée par des tensions et des coups d’État. Son alliance avec le parti JUWA de l’ancien président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi avait été perçue comme un signe de volonté de coalition et de réconciliation politique. Mais, au fil du temps, des fissures sont apparues au sein de cette coalition. Des désaccords politiques et des rivalités personnelles ont émergé, entraînant des tensions croissantes. Plusieurs événements ont contribué à aggraver la crise politique dans le pays. En effet, la rupture de l’alliance avec le parti JUWA a marqué un tournant dans le mandat du président Azali Assoumani, déclenchant une série d’événements qui ont profondément exacerbé les tensions politiques aux Comores. Son initiative de réviser la Constitution a été perçue comme une tentative de consolider son pouvoir et a déclenché une vague de manifestations publiques à travers le pays. Face à cette opposition massive, le gouvernement a réagi par des mesures répressives, y compris des arrestations et des restrictions à la liberté d’expression. Sauf que, cela n’a pas réussi à étouffer le mouvement de contestation, qui a continué à gagner en force et en soutien.

La suppression unilatérale de la Cour constitutionnelle par le président Azali Assoumani a en effet été un événement majeur qui a profondément secoué la scène politique aux Comores. La Cour constitutionnelle joua un rôle essentiel en tant qu’institution garante de l’État de droit et de la conformité des lois à la Constitution. Sa suppression a été largement interprétée comme une violation flagrante des principes démocratiques et une atteinte directe à la séparation des pouvoirs.

De ce fait, la répression exercée par le régime d’Azali Assoumani en réponse à l’opposition croissante a été un aspect alarmant de la crise politique aux Comores. Des figures de proue de l’opposition, telles qu’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, ont été spécifiquement ciblées. Sambi a été placé en résidence surveillée avant d’être emprisonné, dans un contexte où aucune preuve tangible n’a été présentée contre lui. Cette arrestation est survenue peu de temps après un discours critique de Sambi à l’encontre de la réforme constitutionnelle de 2018, qu’il percevait comme une violation des procédures légales établies. L’emprisonnement de Sambi n’était pas un cas isolé. D’autres opposants politiques, y compris le gouverneur d’Anjouan, Dr Abdou Salami Abdou, ont également été arrêtés pour avoir exprimé leur opposition aux réformes constitutionnelles. Ces arrestations ont été largement condamnées par la communauté internationale, qui a appelé à la libération des prisonniers politiques et au respect des droits de l’homme et des libertés civiques.

Il n’y a pas que ça, le référendum de 2018 aux Comores a été un événement hautement controversé qui a profondément polarisé la société et exacerbé la crise politique déjà existante. Ce référendum a aboli l’autonomie des îles et modifié les règles de la tournante présidentielle, suscitant de vives critiques de la part de l’opposition et de la société civile. L’abolition de l’autonomie des îles a été perçue comme une atteinte à la décentralisation du pouvoir et une centralisation accrue entre les mains du gouvernement central, dirigé par le président Azali Assoumani. De plus, les modifications apportées aux règles de la tournante présidentielle ont été considérées comme une manœuvre visant à maintenir le président au pouvoir au-delà de son mandat légal, suscitant ainsi des inquiétudes quant à la consolidation du pouvoir autoritaire. Les élections qui ont suivi en 2019 ont également été fortement contestées pour leur manque de transparence et de crédibilité. Des accusations de fraude électorale et d’irrégularités ont été soulevées, alimentant ainsi les suspicions et le mécontentement de l’opposition et d’une partie de la population. La diaspora comorienne, notamment active en France, a joué un rôle important dans la contestation des résultats électoraux. Des manifestations régulières ont eu lieu, rappelant la mobilisation massive qui a suivi le crash de Yemenia en 2009. Cette mobilisation démontre l’ampleur du mécontentement et la volonté de la diaspora de faire entendre sa voix dans les affaires politiques des Comores.

Par ailleurs, les tentatives d’Azali Assoumani d’organiser un dialogue inter-comorien en septembre 2021 ont malheureusement échoué, mettant en lumière les profondes divisions et les obstacles persistants à la résolution de la crise politique aux Comores. Malgré les appels à la négociation et à la médiation, les parties prenantes n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente, prolongeant ainsi l’impasse politique dans le pays. En 2024, Azali Assoumani a organisé de nouvelles élections dans un contexte marqué par des allégations de fraudes électorales et des irrégularités. Ces élections entachées ont attiré l’attention internationale sur la crise politique persistante aux Comores et ont suscité des inquiétudes quant à la légitimité du processus électoral et des résultats. L’attention internationale portée sur les élections de 2024 a souligné l’urgence d’une résolution pacifique et durable de la crise politique aux Comores. Les partenaires internationaux ont appelé au respect des normes démocratiques et à la transparence dans le processus électoral, soulignant l’importance d’une participation inclusive et du respect des droits de l’homme. Ainsi, une sortie de crise aux Comores nécessite un engagement sincère envers le dialogue inclusif et la réconciliation nationale. Revisiter les événements douloureux depuis 2017 est essentiel pour comprendre les causes profondes de la crise et identifier les voies de sortie possibles. Un dialogue inclusif impliquant tous les acteurs politiques, y compris les représentants de la société civile et une représentation équilibrée de chaque île, est indispensable. La participation des anciens présidents, tels qu’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi et Ikililou Dhoinine, pourrait apporter une perspective précieuse et contribuer à restaurer la confiance dans le processus de résolution de la crise. Cela pourrait également nécessiter la libération des prisonniers politiques pour garantir un climat propice à des discussions franches et constructives.

Cependant, l’implication de la communauté internationale en tant que garante d’un processus de résolution de la crise aux Comores est cruciale pour garantir l’impartialité, la transparence et la crédibilité du processus. Une médiation internationale impartiale peut aider à faciliter les pourparlers entre les différentes parties prenantes et à encourager un dialogue constructif. La présence de médiateurs neutres, agissant en tant que facilitateurs, peut contribuer à instaurer la confiance et à créer un environnement propice à la résolution des différends. En outre, la communauté internationale peut apporter un soutien technique et logistique pour assurer la mise en œuvre des accords conclus lors des négociations. Cela pourrait inclure la supervision des élections futures, la mise en place de mécanismes de surveillance indépendants et la fourniture d’une assistance pour renforcer les institutions démocratiques et le respect des droits de l’homme.


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