
La récente décision de libéraliser le marché du riz ordinaire aux Comores, accompagnée de la demande de licences d’importation par sept commerçants, soulève de nombreuses questions sur les conséquences économiques de cette ouverture du marché à une concurrence accrue.
Impact économique incertain
En théorie, la libéralisation du marché du riz pourrait stimuler la concurrence et faire baisser les prix pour les consommateurs comoriens, qui consacrent une part importante de leur budget alimentaire à cet aliment de base. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le riz représente plus de 50 % de l’apport calorique quotidien des Comoriens. Une baisse des prix pourrait donc rendre le riz plus accessible à une population largement dépendante de ce produit. Cependant, cette perspective de réduction des coûts pourrait être compromise par une volatilité accrue des prix. Le marché mondial du riz est souvent affecté par des facteurs externes tels que les conditions climatiques dans les pays producteurs, les politiques commerciales des grands exportateurs, et les coûts logistiques. Par exemple, en 2023, une augmentation de plus de 20 % des prix mondiaux du riz a été observée, en raison de sécheresses en Asie du Sud-Est et de restrictions d’exportation en Inde. Cette volatilité pourrait se répercuter sur les prix domestiques aux Comores, créant une instabilité pour les consommateurs et les commerçants.
Défis pour la sécurité alimentaire
La libéralisation soulève également des préoccupations en matière de sécurité alimentaire. En augmentant la dépendance aux importations, les Comores risquent de devenir encore plus vulnérables aux crises internationales pouvant affecter la disponibilité ou le prix du riz sur le marché mondial. À l’heure actuelle, une grande partie du riz consommé aux Comores provient d’Asie du Sud-Est, et cette dépendance pourrait s’accentuer avec l’ouverture du marché. De plus, la qualité du riz importé demeure une question cruciale. Les autorités devront garantir que les importations respectent les normes sanitaires et nutritionnelles pour éviter les problèmes de qualité observés dans d’autres pays africains, où des lots de riz importé ont été jugés impropres à la consommation. Par ailleurs, la libéralisation pourrait dissuader les efforts de production locale de riz. Les producteurs comoriens, déjà confrontés à des défis comme le manque d’infrastructures et de soutien technique, pourraient être découragés par la concurrence accrue du riz importé bon marché, menant à une réduction progressive de la production nationale et à une dépendance accrue aux importations.
Réactions variées des acteurs locaux
Les réactions à la libéralisation du marché du riz sont partagées parmi les acteurs locaux. Les commerçants et importateurs voient une opportunité d’élargir leurs activités et d’augmenter leurs profits. La demande de licences par sept commerçants illustre l’intérêt suscité par cette ouverture. Toutefois, ces acteurs doivent se préparer à gérer des défis logistiques et réglementaires complexes liés à l’importation. Du côté des producteurs locaux, l’inquiétude est palpable. Bien que marginale par rapport aux importations, la riziculture joue un rôle vital dans certaines régions rurales des Comores. Les producteurs craignent que l’afflux de riz importé à bas prix ne rende leur activité non compétitive, entraînant une perte d’emplois dans les zones rurales et un risque pour la biodiversité si les terres rizicoles sont converties à d’autres usages. Les petits commerçants, qui distribuent actuellement du riz local et importé, sont également partagés. Certains voient dans cette libéralisation une opportunité de diversifier leur offre, tandis que d’autres craignent une guerre des prix qui pourrait réduire leurs marges déjà faibles. Leur avenir dépendra de leur capacité à s’adapter à cette nouvelle dynamique, que ce soit en diversifiant leurs fournisseurs ou en s’associant pour négocier de meilleures conditions d’achat.
Fitiavana HARISOA


Laisser un commentaire