
La diplomatie du béton : Tanzanie et Comores main dans la main
Sous des dehors protocolaires, la récente visite de la délégation tanzanienne à Moroni, conduite par le général de brigade Petro Ngala, cache des enjeux bien plus profonds qu’une simple poignée de main. Du 4 au 6 septembre, cette mission fait suite à une rencontre précédente menée par l’ex-gouverneure de Ngazidja, Sitti Farouata Mouhidine, en Tanzanie. Une coopération décentralisée se tisse ainsi autour de Sumajkt, cette société affiliée à la branche commerciale de l’armée tanzanienne. Si le militaire tanzanien est au premier plan, les tractations commerciales ne sont jamais bien loin.
Des échanges stratégiques aux accents pragmatiques
Dès son arrivée, le général Ngala n’a pas perdu de temps. Une réunion avec l’exécutif de Ngazidja à Mrodju a permis de dresser un premier bilan de la mission de Sitti Farouata Mouhidine, avec en toile de fond une question centrale : comment intensifier la coopération entre l’île et Sumajkt ? Car l’entreprise tanzanienne, pilier économique national, ne se contente pas de simples paroles. Active dans l’agroalimentaire, la construction et l’énergie, Sumajkt cherche à asseoir sa présence sur l’île.
Et comme pour rassurer ses interlocuteurs sur la tangibilité de ses intentions, la délégation a multiplié les visites de projets. La route Nyumamilima-Hantsindzi, en réhabilitation grâce aux financements tanzaniens, en est un exemple concret. À Mitsamihuli, c’est l’extension d’un centre de formation de football qui a fait l’objet d’une inspection méticuleuse. Enfin, le Centre rural de développement économique (Crde) de Cembenoi a reçu les honneurs de la délégation, preuve que l’agriculture reste un levier central de cette coopération.
L’argent tanzanien : un eldorado pour Ngazidja ?
Pour Ibrahim Ali Mze, gouverneur de Ngazidja, la venue de Sumajkt représente une véritable aubaine. Bien conscient des limites de son île en termes d’infrastructures et d’investissements, il ne cache pas son enthousiasme. Lors d’une rencontre avec les opérateurs économiques locaux, il a accueilli avec une certaine avidité les propositions du général Ngala. Ce dernier n’a pas manqué de mettre en avant les succès de Sumajkt en Tanzanie, notamment dans l’agriculture, l’élevage bovin, la production de riz, mais aussi dans des secteurs plus stratégiques comme l’énergie et les infrastructures.
Les promesses sont alléchantes : Sumajkt ne viendra pas uniquement pour construire des routes, mais aussi pour booster l’économie locale, à condition que Ngazidja joue le jeu.
Comme l’indique un rapport du United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD), le contrôle des routes commerciales et des infrastructures portuaires dans l’océan Indien est crucial pour les économies d’Afrique de l’Est, en particulier pour des pays comme la Tanzanie, qui dépendent fortement de l’accès aux marchés internationaux pour leur développement .
Militaire et économique : une double alliance en marche
Mais ne nous y trompons pas. Derrière ces accords commerciaux se cache également une volonté de resserrer les liens militaires. Le général Ngala n’a pas quitté Moroni sans avoir rencontré le chef d’état-major de l’Armée nationale de développement des Comores, le général Youssouf Idjihadi. Et si les discussions ont officiellement porté sur des « sujets d’intérêt commun », il est fort probable que la coopération économique soit aussi un levier de renforcement des alliances militaires. Une stratégie qui profite aux deux camps.
En somme, la Tanzanie avance ses pions à Ngazidja, sous couvert de partenariats économiques. Mais l’arrière-plan est plus complexe : il s’agit autant de contrôler les routes commerciales que de stabiliser les alliances régionales. Si Ibrahim Ali Mze se réjouit, c’est que Ngazidja a beaucoup à y gagner. À condition, bien sûr, de ne pas se retrouver dans l’ombre d’un partenaire devenu trop imposant.
Nadia RAKOTOARISO


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