
La campagne sucrière de La Réunion, véritable poumon économique de l’île, traverse une tempête sans précédent. Une chute de production de 10 % est anticipée en 2024, une nouvelle étape dans une longue descente aux enfers entamée l’année dernière, avec seulement 180 000 tonnes de sucre produites. Derrière ces chiffres, c’est tout un secteur agricole qui vacille, sous les coups de boutoir du changement climatique.
« Nous sommes à genoux, et il ne pleut même plus pour nous relever », ironise amèrement Jean-Paul Morand, président de la Fédération des Syndicats Agricoles. Les mots sont forts, mais la réalité l’est plus encore. La sécheresse, les pluies capricieuses, les épisodes climatiques imprévisibles… autant de facteurs qui ont transformé le quotidien des agriculteurs réunionnais en une lutte perpétuelle contre les éléments. Certaines parcelles ont perdu jusqu’à 15 % de leur récolte. Une perte qui ne se mesure pas uniquement en tonnes de canne à sucre, mais en emplois, en revenus, en stabilité sociale.
La double peine : hausse des coûts, baisse des subventions
Comme si la nature ne suffisait pas, les agriculteurs doivent aussi affronter une hausse vertigineuse des coûts de production. Engrais, semences, produits phytosanitaires… la facture a gonflé de 20 % en un an. Une inflation galopante qui, associée à une réduction des subventions publiques, place les producteurs locaux dans une position intenable. « C’est simple, on ne peut plus rivaliser avec les géants mondiaux. Nous sommes les derniers des Mohicans, mais sans tomahawk pour nous défendre », lâche Philippe Robert, producteur dans l’est de l’île.
Face à cette double peine, les syndicats agricoles demandent des mesures d’urgence. Parmi les revendications : une revalorisation des aides publiques, notamment pour l’irrigation, et des subventions pour l’achat de matériel agricole. Ils proposent aussi une diversification des cultures, histoire de ne plus tout miser sur la canne à sucre. Mais cette transition demande un soutien financier massif et un accompagnement sur le long terme. Pour l’instant, du côté du gouvernement, c’est silence radio.
Une mobilisation en marche
L’effondrement de la campagne sucrière dépasse la seule économie. Pour les Réunionnais, la canne à sucre, c’est plus qu’une culture : c’est un symbole. Un pilier de leur identité, un patrimoine qui se transmet de génération en génération, et un secteur qui fait vivre des milliers de personnes, surtout dans les zones rurales. Une manifestation est d’ailleurs prévue dans les semaines à venir, à l’initiative des syndicats agricoles, pour demander au gouvernement des actions concrètes et immédiates.
« On parle souvent de sauver les espèces en voie de disparition, mais ici, c’est tout un pan de notre culture et de notre économie qu’il faut sauver », conclut Jean-Paul Morand. L’enjeu est clair : sans un coup de pouce rapide, la canne à sucre pourrait bien devenir un souvenir du passé, un vestige d’un temps où La Réunion vivait encore de ses champs.
Fitiavana HARISOA


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