Mayotte : “Territoire d’industrie”, un label ambitieux freiné par l’absence de financements

Labellisée “Territoire d’industrie” il y a un an, Mayotte nourrit de grandes ambitions pour son secteur industriel. Mais malgré l’obtention de ce label, les projets peinent à se concrétiser, confrontés à un manque cruel de financements. Du 16 au 18 octobre 2024, une délégation d’élus mahorais s’est rendue à la 34ème Convention nationale des intercommunalités de France, au Havre, pour plaider en faveur d’un meilleur accès aux fonds publics. Leur message est sans équivoque : sans un soutien financier conséquent, l’avenir industriel de l’île restera incertain.

Un label pour relancer l’industrie locale

Le label “Territoire d’industrie” vise à stimuler le développement industriel dans des régions à fort potentiel, en réunissant élus locaux, industriels et institutions autour de projets communs. En obtenant ce label en 2023, Mayotte espérait renforcer son tissu industriel pour diminuer sa dépendance aux importations et créer des emplois. Parmi les priorités : la construction d’un abattoir bovin et la mise en place de cuisines centrales de méthanisation. Ces infrastructures, cruciales pour l’autosuffisance alimentaire de l’île et la valorisation des déchets, devaient donner un nouvel élan à l’économie locale.

Des projets phares freinés par le manque de financements

Parmi les projets structurants, la création d’un abattoir bovin devait permettre de réduire les importations de viande et accroître la souveraineté alimentaire de Mayotte. De même, les cuisines centrales de méthanisation auraient pu transformer 15 000 tonnes de déchets organiques en biogaz, suffisant pour alimenter 60 bus urbains ou fournir de l’eau chaude à 3 500 foyers. Pourtant, ces projets ambitieux sont aujourd’hui au point mort, faute de financements adaptés.

Des obstacles financiers majeurs

Les élus mahorais pointent un problème récurrent : les appels à projets (AAP) ne correspondent pas à l’état de préparation des initiatives locales. “Les exigences des AAP sont décalées par rapport à nos réalités”, expliquent-ils. Résultat, Mayotte ne parvient pas à décrocher les subventions nécessaires pour lancer ses projets. De plus, les infrastructures insuffisantes et les coûts de construction, particulièrement élevés sur l’île, alourdissent encore la facture. Selon l’Observatoire de la construction, dirigé par la Banque des territoires, les coûts sont nettement plus élevés à Mayotte qu’en métropole, rendant chaque projet d’autant plus difficile à concrétiser.

Des pistes incertaines pour relancer la dynamique

Face à ces obstacles, les élus cherchent des solutions en s’inspirant d’autres territoires ayant réussi leur développement industriel, comme le Grand Chalon. Sébastien Martin, président de l’agglomération du Grand Chalon, a suggéré à Mayotte d’explorer le label “Territoires d’industrie agricole”, plus en phase avec les projets alimentaires territoriaux en cours, notamment ceux portés par la Communauté de Communes du Sud (CCSud) et celle de Petite-Terre (CCPT). En parallèle, les élus explorent les financements européens, bien que ces derniers nécessitent des cofinancements que le département peine à obtenir.

Une mobilisation contre les restrictions budgétaires

Lors de la convention, les intercommunalités de France, y compris celles de Mayotte, ont voté à l’unanimité une motion contre les restrictions budgétaires imposées par le gouvernement. Ces collectivités dénoncent des mesures qui entravent leur capacité à mener à bien les projets attendus par la population. Elles appellent à un dialogue renforcé avec l’État, espérant une décentralisation plus efficace et mieux adaptée aux défis locaux.

Nadia Rakotoarisoa


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