MAYOTTE : UNE DÉMOGRAPHIE MARQUÉE PAR L’IMMIGRATION CLANDESTINE

Mayotte, le 101e département français, se distingue par une dynamique démographique sans égal. Selon une récente note de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le territoire a enregistré 10 280 naissances en 2023, contre 10 780 l’année précédente, soit une baisse modérée de 500 naissances. Cependant, ce chiffre reste bien au-dessus des moyennes observées avant 2015, illustrant une singularité démographique en France métropolitaine et ultramarine. À l’origine de cette particularité : des taux de fécondité records, une immigration clandestine persistante et des stratégies migratoires influencées par les dispositions légales françaises.


Un taux de fécondité sans précédent

Avec un taux de fécondité de 4,5 enfants par femme, Mayotte dépasse largement la moyenne nationale française, qui s’élève à 1,8 enfant par femme. Selon l’INSEE, trois quarts des naissances à Mayotte proviennent de mères étrangères, majoritairement comoriennes (67 %) et malgaches (6,5 %). Ce contraste reflète l’impact significatif de l’immigration clandestine sur la structure démographique de l’île.

À titre de comparaison, les taux de fécondité des Comores (3,91 enfants par femme) et de Madagascar (3,8) sont inférieurs à celui de Mayotte, malgré des contextes culturels et économiques similaires. Ce différentiel interroge : pourquoi de telles disparités ? La réponse se trouve dans des pratiques migratoires spécifiques où la maternité devient, pour certaines, une stratégie pour régulariser leur situation administrative dans un cadre juridique français strict.


Naître à Mayotte : entre espoir et stratégie

Depuis la réforme de 2018 restreignant l’accès à la nationalité française pour les enfants de parents étrangers, les dynamiques autour des naissances se sont complexifiées. Cette législation, couplée à la proximité géographique avec les Comores et Madagascar, incite certaines femmes à multiplier les naissances dans l’espoir que leurs enfants puissent obtenir la nationalité française à leur majorité. Il n’est pas rare de rencontrer des familles monoparentales où les enfants ont des pères différents, une réalité souvent liée à ces enjeux administratifs.

Cependant, cette situation dépasse les stratégies individuelles. Elle reflète également un contexte socio-économique difficile : à Mayotte, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et les infrastructures, qu’elles soient éducatives ou sanitaires, peinent à suivre une croissance démographique effrénée.


L’immigration clandestine, un défi multidimensionnel

La proximité des Comores, situées à seulement 70 kilomètres de Mayotte, alimente des flux migratoires continus. Pour de nombreuses familles, l’île représente une promesse d’un avenir meilleur. Pourtant, cette immigration massive met une pression considérable sur les infrastructures locales, notamment sur les maternités, souvent saturées. Des centaines de femmes étrangères accouchent chaque mois dans des conditions précaires, parfois sans suivi prénatal, aggravant les défis humanitaires et sanitaires.

Ces migrations suscitent des tensions croissantes. D’un côté, des figures politiques comme le député Mansour Kamardine militent pour une régulation stricte des flux migratoires, appelant à une coopération renforcée avec les Comores pour limiter les départs clandestins et à des moyens supplémentaires pour Mayotte. De l’autre, des associations humanitaires dénoncent une lecture simpliste des motivations des migrantes. Elles rappellent que ces femmes ne cherchent pas uniquement des papiers, mais fuient des conditions de vie insoutenables, espérant sécurité et avenir pour leurs enfants.


Un équilibre nécessaire pour l’avenir

Mayotte est à la croisée des chemins. Avec un taux de natalité exceptionnel et des migrations intenses, l’île fait face à des défis d’une ampleur inédite. Les projections de l’INSEE indiquent que la population pourrait doubler d’ici 2050 si les tendances actuelles se maintiennent, risquant d’exacerber les tensions sociales et économiques.

Pour relever ces défis, deux axes d’action sont indispensables. D’une part, un investissement massif dans les infrastructures éducatives, sanitaires et sociales est crucial pour répondre aux besoins d’une population jeune et croissante. D’autre part, une gestion plus efficace des flux migratoires est nécessaire, alliant fermeté et coopération internationale.

Une solution durable pour Mayotte ne pourra émerger qu’en conciliant ces impératifs : garantir la dignité des migrants tout en préservant l’équilibre fragile d’un territoire sous pression.

Fitiavana HARISOA


Laisser un commentaire