
Chaque année, des milliers de femmes à travers le monde subissent des violences au sein de leur foyer. En 2023, l’ONU estime que plus de 85 000 femmes et filles ont perdu la vie en raison de leur sexe, victimes de proches. À Mayotte, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée le 25 novembre, a été l’occasion d’un bilan alarmant et d’un appel à l’action pour briser le silence et renforcer les dispositifs existants.
Des obstacles persistants malgré des efforts institutionnels
Malgré l’engagement des autorités, de nombreux défis restent à relever à Mayotte. L’application des décisions judiciaires en est un exemple criant. Les ordonnances de protection, censées garantir la sécurité des femmes victimes, peinent souvent à être mises en œuvre faute de moyens humains et matériels suffisants.
Lors des tables rondes organisées au Conseil départemental, des assistantes sociales ont illustré ces défaillances : « Quand le père a un droit de visite sur ses enfants, il doit parfois se rendre chez la mère, ce qui peut raviver les violences, alors même que l’ordonnance interdit tout contact. »
En outre, le non-versement des pensions alimentaires plonge de nombreuses femmes dans une précarité extrême, les forçant à subvenir seules aux besoins de leurs enfants.
Le manque de coordination et de formation des acteurs est une autre lacune majeure. Les professionnels de santé du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), bien que souvent en première ligne pour recueillir les témoignages des victimes, ne disposent pas toujours des outils nécessaires pour réorienter ces femmes vers les structures appropriées.
Les enfants, victimes silencieuses des violences conjugales
Au sein des foyers où règne la violence, les enfants, souvent spectateurs impuissants, en subissent des conséquences profondes. Ils deviennent des victimes invisibles, parfois marquées à vie, avec un risque accru de reproduire ces comportements à l’âge adulte.
Un coordinateur du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) a rappelé l’urgence d’une éducation préventive : « Les enfants, témoins de la violence, l’assimilent comme un mode d’échange normal entre parents. Ils doivent apprendre d’autres modèles. »
Pour sensibiliser les jeunes dès leur plus jeune âge, des campagnes éducatives utilisant des clips animés ont été suggérées. Par ailleurs, l’association Souboutou Ouhedze Jilaho, présidée par Saïrati Assimakou, a plaidé pour une éducation au consentement dès l’enfance. Une bande dessinée intitulée Lakinta et le secret d’oiseau a été présentée, visant à enseigner aux enfants la connaissance de leur corps et la reconnaissance des comportements inappropriés.
« Nous demandons à nos enfants de comprendre ce que nous refusons de nommer, souvent au nom de la culture ou de la religion. Cela doit changer », a affirmé Mme Assimakou.
Des initiatives porteuses d’espoir
Face à cette problématique, les institutions locales et nationales intensifient leurs efforts. Le gouvernement a récemment étendu un dispositif permettant aux femmes victimes de violences sexuelles de porter plainte directement dans 377 hôpitaux équipés d’un service d’urgences ou de gynécologie. À Mayotte, bien que le CHM manque de personnel, l’espoir demeure que ce dispositif y soit bientôt déployé.
Une autre avancée prometteuse réside dans la création prochaine d’un Centre de Prise en Charge des Auteurs de violences conjugales (CPCA) par l’association Mlézi Maore, en partenariat avec la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE). Ce centre visera à accompagner les auteurs de violences pour prévenir la récidive.
Cependant, des obstacles subsistent. Les auteurs incarcérés peuvent refuser de se soumettre à une obligation de soins, compromettant leur réhabilitation.
Un avenir à construire ensemble
La lutte contre les violences faites aux femmes ne pourra avancer sans une mobilisation collective. Parents, enseignants, associations, institutions et société civile doivent s’unir pour briser les tabous, renforcer les dispositifs existants et protéger les plus vulnérables.
À Mayotte, les initiatives portées par des associations comme Souboutou Ouhedze Jilaho et les efforts institutionnels comme ceux du CPCA montrent une voie prometteuse. Ces démarches, bien que perfectibles, incarnent l’espoir d’un avenir où les femmes ne seront plus réduites au silence.
Nadia RAKOTARISOA


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