
Le harcèlement scolaire, fléau universel, prend des formes singulières dans les îles de l’océan Indien, où des particularités culturelles et sociales accentuent parfois ses effets. À Madagascar et aux Comores, ce problème expose à la fois les failles des systèmes éducatifs et les efforts entrepris pour garantir un cadre scolaire plus respectueux. Entre statistiques alarmantes et initiatives locales, ces deux territoires mènent un double combat contre la violence en milieu scolaire.
Une réalité omniprésente
Les chiffres révèlent l’ampleur du phénomène. À Madagascar, une enquête menée par l’organisation Imaso-Ivoho montre que 58 % des élèves subissent du harcèlement scolaire, les filles étant légèrement plus touchées que les garçons. Les violences recensées vont des insultes et moqueries aux vols, bousculades et exclusions sociales.
Aux Comores, les témoignages recueillis lors d’ateliers de sensibilisation organisés par l’Agence Comorienne de Coopération Internationale (ACCI) mettent également en lumière des violences similaires, souvent exacerbées par des inégalités de genre et des stéréotypes sociaux.
L’impact des cultures locales
Les valeurs communautaires, censées protéger contre l’individualisme, peuvent paradoxalement renforcer certaines formes de harcèlement. À Madagascar, le silence des victimes est souvent imposé par la crainte de ternir l’honneur familial. Par ailleurs, le bilinguisme malgache-français dans les écoles devient une source de discrimination, certains élèves étant moqués pour leur accent ou leur maîtrise inégale des langues.
Aux Comores, où coexistent les langues comoriennes, le français et l’arabe, cette diversité linguistique peut également engendrer des tensions. Ces tensions se croisent fréquemment avec d’autres facteurs discriminants, notamment ceux liés aux origines géographiques ou aux croyances religieuses.
Des initiatives locales en pleine émergence
Conscients de l’urgence, Madagascar et les Comores s’engagent dans la lutte contre le harcèlement scolaire à travers des programmes spécifiques.
À Madagascar, des associations comme Stop Harcèlement Scolaire créent des espaces d’écoute pour les victimes, tout en utilisant des outils culturels tels que le théâtre et les contes traditionnels pour sensibiliser les élèves. Ces supports permettent d’aborder les thématiques de la violence sous un angle inclusif et adapté au contexte local.
Aux Comores, en collaboration avec l’UNICEF et l’UNFPA, l’ACCI organise des ateliers dans les écoles pour apprendre aux élèves à reconnaître et dénoncer les actes de harcèlement. Ces sessions visent également à briser les tabous entourant la violence scolaire et à renforcer la prévention.
Des défis persistants
Malgré ces efforts, les obstacles demeurent nombreux. Le manque de psychologues scolaires qualifiés dans les deux pays limite la prise en charge des victimes. Par ailleurs, l’absence de suivi administratif rigoureux des plaintes rend difficile l’application de sanctions ou de mesures correctives.
Ces carences plaident en faveur d’une coopération régionale. Des échanges entre Madagascar et les Comores pourraient permettre de mutualiser les bonnes pratiques et d’adapter les outils éducatifs aux spécificités insulaires. La Commission de l’océan Indien, avec le soutien d’organismes internationaux comme l’UNICEF, pourrait jouer un rôle clé dans cette démarche.
Une mobilisation essentielle pour un changement durable
La lutte contre le harcèlement scolaire ne peut aboutir sans une mobilisation conjointe des parents, enseignants, élèves et institutions. Les initiatives menées par l’ACCI aux Comores et les associations malgaches ouvrent des perspectives prometteuses. Ces efforts concertés pourraient devenir des modèles de changement social pour toute la région de l’océan Indien.
Hadjani ANDRIANARINIVO


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