Mayotte face à Chido : L’habitat insalubre au cœur des contradictions entre droits fondamentaux et sécurité publique

Le passage du cyclone Chido a laissé un paysage de désolation à Mayotte, exacerbant des problèmes structurels déjà préoccupants. Les quartiers précaires, souvent constitués d’habitats insalubres en tôle, ont été les plus touchés, révélant les failles d’une urbanisation incontrôlée. Alors que les démolitions des habitats de fortune menées par l’État français sous le prisme sécuritaire sont régulièrement critiquées pour leurs atteintes aux droits de l’homme, la catastrophe naturelle impose une nouvelle réflexion sur cette dualité.

Un drame humanitaire aggravé par les habitats précaires

Les chiffres provisoires relatifs au cyclone Chido sont alarmants : des dizaines de morts, des milliers de sans-abri, et une infrastructure publique en lambeaux. Ce bilan tragique pointe du doigt un facteur déterminant : l’habitat insalubre. À Mayotte, 40 % des logements sont construits en matériaux précaires tels que la tôle ou le bois, un chiffre inchangé depuis des décennies . Cette situation est le résultat d’une urbanisation anarchique, souvent portée par une pression migratoire intense.

Les bidonvilles, faute d’infrastructures solides, se sont effondrés sous la puissance du cyclone. La non-résilience des habitats a directement contribué à alourdir le bilan humain, révélant la vulnérabilité structurelle des quartiers informels.

Entre droits de l’homme et sécurité publique : une tension persistante

L’État français, avec des opérations telles que Wuambushu, a longtemps tenté de résoudre ce problème par des actions ciblant les habitats illégaux et insalubres. Toutefois, ces initiatives ont été vivement critiquées. Les “décasages”, démolitions massives des bidonvilles, sont perçus par les associations de défense des droits de l’homme comme une atteinte aux droits fondamentaux, notamment au droit au logement et au droit à la dignité.

Le rapport de la CNCDH (2017) et les critiques du Défenseur des droits mettent en évidence les carences des politiques de relogement, laissant de nombreuses familles sans solution viable . Ainsi, l’opération Wuambushu, bien qu’initiée pour des motifs sécuritaires et sanitaires, a manqué de réponses durables.

Pourtant, à la lumière du cyclone Chido, une question se pose : ces opérations, aussi controversées soient-elles, auraient-elles pu réduire les pertes humaines ? La destruction des habitats insalubres, accompagnée d’une réelle politique de relogement et de renforcement des infrastructures, aurait pu prévenir une partie des conséquences désastreuses observées aujourd’hui.

L’impact des catastrophes naturelles : préserver les droits fondamentaux autrement

Le cyclone Chido offre une perspective nouvelle : en protégeant les habitants des quartiers insalubres, les politiques de rénovation urbaine participent indirectement à la préservation des droits fondamentaux. Le droit à la sécurité, le droit à un logement décent, et même le droit à la vie sont intrinsèquement liés à la qualité de l’environnement urbain.

Face aux défis climatiques croissants, Mayotte ne peut se permettre d’ignorer la nécessité d’une urbanisation résiliente. Des investissements massifs dans des logements solides, des infrastructures publiques modernisées, et des systèmes d’alerte performants sont aujourd’hui impératifs. Les opérations futures devront impérativement s’accompagner d’un relogement humain et digne, en respectant les normes internationales en matière de droits de l’homme.

Une voie équilibrée pour l’avenir

Mayotte, frappée de plein fouet par le cyclone Chido, fait face à un dilemme structurel. La critique des opérations de démolition des bidonvilles est légitime lorsque ces interventions manquent de solutions alternatives. Toutefois, la tragédie actuelle rappelle que l’insalubrité des habitats précaires représente une menace directe pour les droits humains.

L’État doit, à l’avenir, œuvrer pour une réponse équilibrée : éradiquer les habitats insalubres tout en proposant des solutions durables et inclusives. Cette stratégie permettra non seulement de respecter les droits fondamentaux des populations locales mais aussi de les protéger face aux catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et violentes.

Marine Vlody


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