
Mayotte, département français déjà en proie à de nombreuses tensions, se réveille défigurée par le cyclone Chido. Ce désastre naturel, le plus violent depuis près d’un siècle, a laissé l’île exsangue. Mais dans ce chaos, un autre cyclone, politique cette fois, s’est abattu avec la visite d’Emmanuel Macron. Face aux ruines et à une population en colère, le président a dégainé des promesses d’envergure : reconstruction, adaptation des lois et création d’un établissement dédié. Suffisant pour calmer la tempête sociale qui gronde ? Pas si sûr.
Mamoudzou, l’épicentre des ruines et des colères
À Mamoudzou, les images d’apocalypse se succèdent. Routes obstruées, maisons éventrées, écoles transformées en refuges d’urgence. Sous une chaleur écrasante, les habitants errent, amaigris, épuisés. “Ils ont faim, soif, et n’ont plus que leur dignité pour survivre”, souffle un secouriste.
Les infrastructures vitales sont à genoux : seules deux barges assurent encore un semblant de liaison maritime, réservées aux évacuations médicales et aux renforts. Même la rentrée scolaire, prévue pour le 13 janvier 2025, est repoussée. Ici, l’urgence n’est pas un concept mais une réalité étouffante.
Macron face à la tempête sociale
Emmanuel Macron, bien conscient de la colère sourde, a prolongé son séjour sur l’île, passant une nuit sur place. Un geste rare, mais insuffisant pour apaiser les Mahorais. Lors de ses déplacements, le président a dû affronter des critiques vives. “Vous avez abandonné Mayotte avant le cyclone, et maintenant vous venez jouer les sauveurs !” lui a lancé une habitante. Pris à partie, Macron a riposté, visiblement irrité : “C’est pas moi le cyclone !”
Au-delà de l’échange houleux, le chef de l’État a annoncé des mesures ambitieuses. La pièce maîtresse ? Un établissement public nommé “Rebâtir Mayotte”, chargé de piloter la reconstruction en mobilisant des experts internationaux. Une loi spéciale sera également proposée, pour adapter les règles administratives aux réalités locales. L’objectif : reconstruire mieux et plus vite, tout en s’attaquant aux problèmes chroniques, notamment l’habitat précaire et l’immigration clandestine.
Les secours en marche, mais à quel rythme ?
Sur le terrain, les renforts arrivent au compte-gouttes. Un hôpital militaire est attendu pour demain, tandis qu’un navire de la marine nationale acheminera 88 conteneurs de denrées alimentaires, de matériaux de construction et de matériel médical. Mais pour beaucoup, l’aide semble encore trop lente. “On parle de logistique, mais les gens, eux, ont faim maintenant”, gronde un élu local.
Macron a promis le rétablissement rapide des services essentiels : eau courante et électricité pour 50 % des habitants dès demain. Mais là encore, les scepticismes dominent. “Les annonces, c’est bien, mais on attend des actes”, martèle un habitant de Mamoudzou, les pieds dans l’eau stagnante.
“Rebâtir Mayotte” : ambition ou poudre aux yeux ?
La reconstruction de Mayotte s’annonce comme un défi titanesque. Macron a comparé cet effort à la restauration de Notre-Dame : “Nous avons reconstruit Notre-Dame en cinq ans. Ce serait un drame de ne pas réussir à rebâtir Mayotte avec ses habitants.” Mais les Mahorais, habitués aux promesses non tenues, restent méfiants.
Un fonds d’indemnisation pour les habitants non assurés, qui représentent 90 % de la population, sera créé. Mais une question plane : cette fois, les paroles se transformeront-elles en actions ? Pour Mayotte, la véritable reconstruction ne sera pas seulement matérielle. Elle devra aussi être sociale, politique et symbolique.
Nadia RAKOTOARISOA


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