Réforme de l’eau dans l’Est de La Réunion : vers un tarif unique, sous tension

Enjeux financiers, fractures territoriales et colère politique : la CIREST cherche l’équilibre entre équité et investissement.

Un tarif unique dans 12 ans

Le 24 avril, la Communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) a voté une mesure qui risque de faire couler beaucoup d’encre – et d’eau : l’harmonisation des tarifs de l’eau et de l’assainissement. Objectif : aboutir, d’ici douze ans, à un prix unique dans toute la zone Est de l’île — soit 390 euros par an pour 120 m³, hors taxes et redevances. Une décision technique, mais à fort impact social, puisqu’elle implique que dans certaines communes, la facture grimpera, tandis que dans d’autres, elle baissera.

Qui gagne, qui perd ?

À Salazie, grande gagnante : la facture pourrait baisser jusqu’à 100 euros pour ses habitants. En revanche, à Saint-André, Bras-Panon et Sainte-Rose, la note grimpera d’environ 8 euros par an pendant douze ans.

Pour Joé Bédier (Saint-André), absent mais représenté, c’est l’incompréhension : comment expliquer à des familles déjà en difficulté qu’elles doivent payer plus, alors même que l’extension de la station d’épuration n’a pas encore vu le jour ?

Même son de cloche à Sainte-Rose, où le premier adjoint rappelle qu’on ne sait toujours pas exactement qui est raccordé au réseau.

Investir, oui. Mais pour qui ?

Ce nouveau tarif vise à financer un plan pluriannuel d’investissement de 112 millions d’euros, destiné à moderniser les réseaux d’eau et d’assainissement. Une somme importante, financée à 60 % par des subventions, le reste étant à la charge du budget de la CIREST. Patrice Selly, président de l’intercommunalité, insiste : « Sans ces travaux, Saint-André ne pourra plus se développer, notamment autour du Colosse. »

Mais la majorité saint-andréenne reste sceptique. Elle a voté contre, estimant que les habitants n’ont pas à assumer seuls des promesses encore floues. Les communes de Bras-Panon et Sainte-Rose se sont abstenues, réclamant des compensations : aides à la récupération d’eau de pluie, par exemple.

L’eau, miroir des inégalités

Au-delà des chiffres, ce débat révèle les fractures territoriales de l’Est. D’un côté, des communes aux réseaux vétustes ou surdimensionnés ; de l’autre, des villes contraintes par la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) à mutualiser les coûts, même lorsqu’elles ont bien géré leur service.

En toile de fond : une tension politique palpable. Entre élus absents, piques personnelles et désaccords feutrés, les familles les plus fragiles se retrouvent prises en otage d’un débat budgétaire.

Vers un prix plus juste ?

Pour ne pas laisser les plus précaires sur le bord du chemin, une enveloppe de 2 millions d’euros est prévue pour les accompagner dans le paiement des factures. Un tarif agricole devrait également voir le jour, afin de mieux soutenir les planteurs.

Un prix unique, oui — mais à quel coût social et politique ? La question reste entière.

Dans l’Est de La Réunion, l’eau n’a pas fini d’agiter les esprits.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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