Mayotte : Enfance en danger – quand l’Etat regarde ailleurs

Des enfants sans lit, des foyers débordés, et un département au bord du gouffre.
Trois petits pourcents d’aides de l’État pour dix milliards de dépenses.

Ils s’appellent Mohamed, Aïcha et Kevin. Ils ont 5, 12 et 17 ans. Et ils vivent à Mayotte, là où l’enfance n’a souvent ni filet, ni refuge. En France, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) est censée protéger les jeunes en danger. À Mayotte, elle tente de le faire avec des moyens ridicules, alors que plus d’un habitant sur deux a moins de 18 ans. Autant dire : mission impossible.

Un rapport choc du Parlement dévoile une vérité glaçante : le système craque de partout. Des nourrissons entassés à six par chambre dans les pouponnières, des éducateurs à bout, des placements d’enfants non exécutés faute de personnel et des mineurs livrés à eux-mêmes, parfois aux réseaux de prostitution ou aux bandes de rue. Ce n’est plus de la maltraitance. C’est de l’abandon.

Un service qui protège… quand il peut

L’ASE devrait être un rempart. À Mayotte, elle devient un champ de ruines. Pourtant, ce service n’a été mis en place qu’en 2017 sur l’île. Le rattrapage, déjà en retard a vite montré ses limites. En 2022, plus de 2 300 signalements d’enfants en danger ont été reçus. La majorité concerne des enfants comoriens, souvent sans papiers ni soutien. Et ce chiffre grimpe d’année en année.

Un État quasi absent

Sur les 10 milliards d’euros dépensés chaque année en France pour la protection de l’enfance, l’État ne finance que 3 %. Le reste repose sur les départements. À Mayotte, ce déséquilibre devient une bombe à retardement : la moitié du budget du Département part dans la protection de l’enfance. Et sans convention signée pour 2025, la compensation de l’État pourrait s’arrêter. Résultat : le Département risquerait de ne plus pouvoir payer ses factures. Une première en France.

Les enfants paient cash l’indifférence nationale

Ce n’est pas juste une affaire de chiffres. C’est une affaire de visages. À Mayotte, des gamins dorment à même le sol. D’autres sombrent dans la délinquance ou la violence faute d’encadrement. Et pendant ce temps, dans la métropole, certains foyers sont devenus des viviers pour les réseaux de prostitution.

Des familles attaquent désormais des présidents de département, accusés d’avoir laissé faire. Le scandale est national. L’urgence, elle, est à Mayotte.

Et maintenant ?

Des parlementaires appellent à une loi de programmation, un nouveau fonds dédié à l’enfance. Mais à Paris, on économise sur tout sauf sur la guerre et les chiffres du PIB. Le message envoyé aux enfants en détresse ? Débrouillez-vous.

À Mayotte, on ne veut plus de promesses creuses. On veut des actes. Parce qu’un pays qui laisse tomber ses enfants est un pays qui tombe tout court.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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