
La presse est-elle encore libre quand elle n’a plus les moyens de parler ?
C’est une question qui secoue. Une question que Reporters sans Frontières (RSF) pousse aujourd’hui sous les projecteurs, dans son Classement mondial de la liberté de la presse 2025. Et ce n’est pas une histoire lointaine. Ce n’est pas « chez les autres ». C’est ici aussi, dans nos îles, où les journaux ferment à petit feu, où les journalistes cumulent les jobs, où la survie passe avant la vérité.
Pour la première fois, RSF qualifie la situation mondiale de la presse de « difficile ». Non pas seulement à cause de la censure ou de la répression, mais parce que les médias s’effondrent économiquement. Et quand les journalistes ne peuvent plus vivre de leur métier, c’est l’info indépendante qui disparaît. Silencieusement.
Moins de sous, plus de silence
160 pays sur 180 n’arrivent plus à assurer un modèle économique viable pour les médias. Des rédactions ferment, des reporters s’exilent, la qualité chute. Chez nous aussi, on connaît ces symptômes. Des radios locales qui réduisent la voilure, des sites d’infos qui vivotent, des jeunes qui rêvaient de journalisme mais qui bifurquent vers la pub, faute de salaire.
Et quand la pub arrive, elle parle fort. Trop fort. RSF le dit clairement : la pression des annonceurs et des financeurs fragilise l’indépendance. Certains médias préfèrent se taire que de risquer une coupure de budget. D’autres deviennent des vitrines, plus que des fenêtres sur la réalité.
Des géants du Web, des nains de l’info
En 2024, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook…) ont absorbé près de 250 milliards de dollars de recettes pub. Ce sont eux qui dictent les règles, pendant que les petits médias rament pour quelques clics. Résultat : plus de buzz, moins d’enquête. Plus de contenus viraux, moins de vérités qui dérangent.
Dans nos îles, c’est encore plus cruel. Pas de marché publicitaire à grande échelle, pas de soutien structuré de l’État, pas de filet. Les journalistes avancent sur un fil, entre passion et précarité.
Résister, c’est exister
Mais tout n’est pas perdu. Le Sénégal a gagné 20 places au classement RSF. Parce que des réformes ont permis de mieux soutenir les médias sans les museler. En effet, quand les journalistes se battent pour garder leur plume, libre, c’est possible ! Mais cela demande du courage, des moyens, et surtout une prise de conscience collective. Comme le résume Anne BOCANDE, directrice éditoriale de RSF : « sans indépendance économique, pas de presse libre. »
Et sans presse libre, qui nous dira la vérité ? Qui racontera ce qui se passe vraiment, ici, dans nos quartiers, nos villages ? Ce combat-là, c’est le nôtre.


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