
Dans les couloirs du palais du peuple, ce lundi matin, les sourires sont officiels, les costumes bien repassés et les discours bien rodés. Le gouvernement comorien lance un séminaire de cinq jours pour faire le point sur son fameux Plan Comores Émergent (PCE). L’objectif est de dire où on en est, et où on va. Mais dans les rues de Moroni ou les villages de Mohéli, une question revient comme un refrain : « Et nous, on voit quoi changer dans notre vie ? »
Une avalanche de bilans, mais peu de boulons serrés
C’est le troisième grand rendez-vous du genre depuis 2016. Sur le papier, tout est calé : 23 secteurs examinés à la loupe, 10 panels de discussions, 120 experts et responsables en débat. On parle d’emploi des jeunes, d’agriculture, de vie chère, d’énergie, de sport, de numérique, d’aide au développement. Bref, toute la machine d’État est mobilisée pour montrer qu’elle avance. Et pourtant, le doute s’installe.
« Je suis diplômée en gestion depuis deux ans, mais je n’ai même pas eu un entretien », souffle Hawa, 26 ans, à Moroni. « S’ils veulent vraiment parler d’émergence, qu’ils commencent par nous ouvrir des portes. »
Des lettres de mission pour les ministres, des lettres mortes pour le peuple ?
À la fin du séminaire, le président Azali ASSOUMANI remettra à ses ministres des « lettres de mission » censées guider leur travail selon les priorités du pays. Mais pour beaucoup de comoriens, ces feuilles de route ont un goût amer. Trop de rapports, pas assez de résultats. Trop de chiffres, pas assez d’eau potable. Trop de séminaires, pas assez d’emplois.
« Le vrai tableau de bord, ce sont les visages fatigués qu’on croise tous les jours », dit Nadjim, jeune entrepreneur à Fomboni. « Si ce séminaire ne débouche pas sur du concret, ce sera juste du théâtre. »
Un moment de vérité pour le gouvernement
Face à une population de plus en plus lucide et connectée, ce séminaire est aussi un test politique. Car à cinq ans de l’échéance 2030 fixée pour l’émergence, les Comores sont encore loin du compte. Certes, la pandémie a ralenti la cadence. Certes, le plan de relance de 2022 a tenté de corriger le tir. Mais l’heure n’est plus aux excuses.
Des promesses aux preuves – l’urgence de réparer le lien
La jeunesse comorienne ne demande pas des PowerPoint. Elle veut des stages, des salaires, des routes sûres, des services qui fonctionnent. Ce séminaire a le mérite de poser les questions, mais les comoriens attendent désormais des réponses visibles et durables.
Comme le dit Amina, mère de famille à Anjouan : « Qu’ils arrêtent de parler entre eux. Qu’ils viennent voir comment on vit, et qu’ils fassent enfin leur boulot. »


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