Maurice : argent sale – et si ton pays faisait la lessive ?

Ils sont bijoutiers, notaires, banquiers, agents immobiliers ou encore employés de sociétés de services. Ils font tourner une machine financière puissante. Mais cette machine, si elle n’est pas bien huilée, peut vite dérailler. La dernière alerte vient d’une évaluation nationale des risques menée avec la Banque mondiale. Et le message est clair : Maurice reste vulnérable au blanchiment d’argent. Un danger qui nous concerne tous.

Banques, jeux et or – les portes d’entrée du sale argent

Dans une salle discrète à Port-Louis, des experts, des diplomates et des opérateurs économiques ont planché sur un rapport attendu depuis 2022. Cette Évaluation nationale des risques (ENR), basée sur les données de 2018 à 2024, révèle que notre système financier est encore trop perméable au blanchiment d’argent. Le niveau de risque est jugé « Medium High », soit élevé modéré.

Les zones rouges ? Les banques, mais aussi les jeux d’argent, l’immobilier, les notaires, les services aux sociétés et même la bijouterie. « Ce n’est pas juste une affaire de gros bonnets en costard-cravate », glisse un ancien agent du secteur. « Le système est assez poreux pour que l’argent sale circule tranquillement. »

Derrière l’argent, des crimes bien réels

Ce que révèle ce rapport, c’est aussi l’origine de ces flux suspects : trafic de drogue, fraude, évasion fiscale, corruption. Des mots qu’on entend souvent, mais qui se traduisent, sur le terrain, par des familles brisées, des jeunes tombés dans la drogue, des logements inaccessibles parce que les prix sont tirés vers le haut par des achats de blanchiment.

Et le financement du terrorisme ? Moins présent à Maurice, selon le rapport, mais pas absent. Le risque est « Medium Low », mais « la vigilance reste essentielle », préviennent les auteurs de l’étude.

Une ministre veut casser l’inertie

Arrivée récemment au ministère des Services financiers, Jyoti JEETUN ne mâche pas ses mots : « J’ai trouvé un secteur prometteur, mais freiné par l’inefficience et le manque d’innovation. » Elle voit dans cette évaluation « un tournant » et promet de réformer en profondeur un système qui pèse 13,4 % du PIB et fait vivre plus de 17 000 personnes.

Un plan est en préparation. L’objectif est d’avoir moins de paperasse, plus de clarté, des règles cohérentes, une meilleure image du secteur et surtout garder les talents

Et nous, on fait quoi ?

Ce rapport ne concerne pas que les financiers ou les politiciens. Il nous parle aussi à nous, citoyens. Car chaque maillon faible ; une transaction louche, une société écran, une vente cash non déclarée peut nourrir un système qui profite aux criminels et pénalise les honnêtes.

Maurice est à un carrefour. Soit on reste une plaque tournante aux contours flous, soit on devient un centre transparent, solide, respecté. Mais pour ça, il faut plus que des rapports : il faut du courage. Celui de regarder en face ce qui gangrène notre économie. Celui d’agir.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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