Océan Indien : On ferme les yeux ou on dénonce ? – la peur étouffe la lutte contre la corruption

Dans les couloirs discrets de l’administration, tout le monde sait. Mais très peu parlent. À Madagascar, comme ailleurs dans l’océan Indien, la corruption des hauts responsables est une réalité connue, mais rarement dénoncée. Le dernier rapport du Bianco, l’organisme anticorruption malgache enfonce le clou : en 2024, presque aucune figure d’envergure n’a été inquiétée. Pas faute d’implication. Mais faute de voix.
Quand le silence protège les puissants

« Dès que tu ouvres la bouche, t’es mort professionnellement. » C’est ce que confie un fonctionnaire, contacté anonymement par La Voix de l’océan Indien. À Antananarivo comme à Moroni, à Saint-Denis comme à Port-Louis, la peur est la même : celle de perdre son poste, de subir des représailles, ou pire. Conséquences ? Ce sont les petits employés, les exécutants, qui tombent. Les « gros poissons », eux, nagent tranquilles.

Dénoncer, mais à quel prix ?

Le directeur du Bianco, Gaby Nestor RAZAFIMANANTSOA, l’admet : « Ce sont les subalternes qui se taisent, par peur. Et tant qu’on ne dénonce pas, on ne peut pas agir. » Pourtant, la loi existe. Elle protège les lanceurs d’alerte. Mais qui croit encore en la protection quand on voit ce que deviennent ceux qui parlent trop ?

Même quand un ministre est dans le viseur, l’affaire reste floue, discrète, étouffée dans les rapports internes. Le reste du temps, les preuves s’évaporent : les ordres sont donnés oralement, sans trace. Tout est calculé.

Immunités, protections, blocages en série

Autre barrière : certaines institutions exigent des autorisations pour qu’un de leurs membres soit interrogé. Ce qui tienne souvent le Bianco les mains liées. Et pendant ce temps, l’argent disparaît, la confiance aussi.

Parler depuis les îles, avec nos mots

Dans nos îles, les jeunes en ont marre de voir toujours les mêmes visages intouchables. Marre de voir les « gros » passer entre les mailles, pendant que les petits trinquent. La corruption, ce n’est pas juste une affaire de chiffres dans un rapport. C’est l’électricité qui n’arrive pas, l’hôpital qui manque de médicaments, le diplôme qui ne vaut plus rien.

Alors oui, parler demande du courage. Mais c’est avec nos mots, notre vécu, notre vérité que la peur peut commencer à reculer. Il ne s’agit pas de dénoncer pour le plaisir, mais pour construire un avenir un peu plus juste. Ici. Chez nous.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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