
Électricité hors de prix, taxes à répétition, trajets impossibles sans escale… Le secteur privé comorien suffoque. Pendant ce temps, les citoyens paient le prix fort. Rencontre avec ceux qui tentent encore de faire tenir debout une économie à genoux.
« Nous, on paye trois fois : dans le pays d’origine, au port d’arrivée, et même entre nos propres îles », souffle Sitti Djaouharia Chihabidine, présidente de la nouvelle Opaco. Elle ne mâche pas ses mots. À la table des discussions sur la vie chère, elle ne parle pas chiffres ou théories, elle parle réalité. Celle des commerçants qui s’endettent pour faire venir un conteneur. Celle des familles qui peinent à acheter un sac de riz.
Pas de bateaux, pas de miracles
Le ministre de l’Économie, Moustoifa Hassani Mohamed, confirme : aucun bateau ne relie directement la Chine ou l’Inde aux Comores. Résultat : les marchandises passent par plusieurs ports, prennent des détours coûteux. Il est clair que ce n’est pas le taxe mais le trajet qui tue.
Et même quand l’État libéralise le marché du riz pour « favoriser la concurrence », comme cela a été fait récemment, rien ne change. Les coûts restent écrasants, les prix ne bougent pas. Pourquoi ? Parce que les commerçants doivent couvrir leurs frais avant d’oser une nouvelle commande. Sinon, plus rien sur les étals.
Taxé d’île en île
Le comble, c’est qu’un produit qui part de Mwali pour arriver à Ngazidja est de nouveau taxé, comme s’il venait d’un autre pays. Une absurdité pour un pays qui peine déjà à nourrir sa population. Ce système pousse certains à renoncer. D’autres à faire avec, quitte à vendre plus cher.
Produire ici, vraiment ?
Alors, on mise sur la production locale. Le ministre de l’Agriculture, Daniel Ali Bandar, promet une production de 2 000 œufs par jour d’ici 2026. « Le problème de la provende est résolu », assure-t-il. Mais les gens restent prudents : combien de fois a-t-on entendu ce refrain ?
Le gouvernement dit aussi vouloir réorganiser la pêche. Bonne nouvelle sur le papier, mais sur le terrain, les pêcheurs attendent encore les filets, les glacières, les moteurs.
Des marges sur des marges
Dans les marchés, les prix flambent. Pas seulement à cause du transport ou des taxes. Mais aussi parce que chaque intermédiaire prend sa part : l’importateur, le vendeur, le revendeur. Conséquence ? Le sac de riz acheté à 15 000 francs comoriens à l’arrivée se retrouve à 22 000 francs comoriens chez l’épicier du quartier.
Ce n’est pas une fatalité
Mais pour que les prix baissent, il faut écouter ceux qui vivent cette réalité au quotidien. Il faut une organisation entre les îles, une volonté de casser les marges abusives, de produire ici ce qu’on peut, avec nos moyens. Et surtout, arrêter de faire semblant.
Parce que pendant que les discours tournent en boucle, le panier de la ménagère, lui, reste vide.


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