
« Manger sain ? C’est pour les riches. » Sahaza, 42 ans, n’a pas le temps pour les slogans nutritionnels. Entre ses trois petits boulots – gardien de nuit, livreur et réparateur de portables – il court après chaque ariary pour remplir les assiettes de ses enfants. Son budget journalier ? Moins de 10 000 ariary. De quoi acheter un peu de riz, quelques brèdes… mais sûrement pas les « 2 330 kilocalories équilibrées » recommandées par les experts.
Et pourtant, c’est ce que coûte une alimentation saine à Madagascar aujourd’hui : 17 000 ariary par jour et par personne, soit environ 3,8 dollars. C’est le chiffre-choc du dernier rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Le genre de chiffre qui dit tout, sans avoir besoin d’en faire des tonnes.
Le paradoxe malgache : des terres fertiles, des ventres vides
Madagascar, pourtant riche de terres agricoles, se retrouve 31ème sur 48 pays africains en matière de coût d’un repas équilibré. Moins cher qu’en Algérie ou en Mauritanie, certes. Mais ici, le SMIG plafonne à 250 000 ariary par mois, soit environ 8 300 ariary par jour. On est donc très loin des 17 000 ariary nécessaires pour bien manger.
Et même pour ceux qui gagnent un peu plus, près de la moitié du revenu mensuel part déjà dans la nourriture. Le reste ? Électricité, loyer, cahiers d’école, médicaments, taxi-be. Pas de place pour le « bio », encore moins pour les cinq fruits et légumes quotidiens.
Une addition qui ne cesse de grimper
7 % d’inflation par an : voilà la réalité qui s’acharne, année après année. L’huile, le sucre, le riz, les œufs… Tout augmente. Mais pas les salaires. Donc le pouvoir d’achat s’effrite, les estomacs se vident, les repas se simplifient à l’extrême. Une mère de deux adolescents, vendeuse au marché, raconte : « Rien qu’en nourriture, on dépense 200 000 ariary par semaine. Je ne sais pas comment on tient. Parfois, on saute un repas. On se dit que demain sera mieux. »
Bien se nourrir ne devrait pas être un luxe
Ce n’est pas une question de volonté. Ni de manque d’éducation alimentaire. C’est une question de moyens. À force d’exclure silencieusement les plus pauvres de l’accès à une alimentation saine, c’est toute une génération qu’on met en danger : fatigue chronique, retards de croissance, maladies évitables. Une malnutrition qui ne dit pas son nom, mais qui se lit sur les visages.
Alors oui, parler de nutrition, c’est aussi parler de justice sociale. C’est poser une question simple, mais essentielle : dans un pays qui produit, pourquoi ne mange-t-on pas mieux ?


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