Mayotte : Robinets vides, promesses pleines – les Mahorais en mode survie

À Koungou, Halima, 32 ans, en a assez. Trois fois par semaine, elle remplit à la hâte ses bidons d’eau, quand l’eau daigne revenir au robinet. « On ne sait jamais si ça va durer cinq heures ou cinq minutes. On vit dans l’angoisse de la prochaine coupure », souffle-t-elle. Comme des milliers d’autres Mahorais, elle ne fait plus confiance à l’eau du robinet. « On boit de l’eau en bouteille, même pour faire cuire le riz. C’est cher, mais on n’a pas le choix. » Résultat : les montagnes de bouteilles plastiques s’accumulent et les poubelles débordent.

Mayotte face à un choix vital : reconstruire la confiance, ou laisser filer l’eau

Depuis la grande sécheresse de 2023, Mayotte vit au rythme des coupures d’eau. Jusqu’à deux jours sans eau sur trois. Et malgré les annonces officielles, la situation reste critique. L’île produit 10 000 m³ d’eau par jour en moins que nécessaire, avec des canalisations vétustes qui fuient à tous les étages.

Certes, les projets sont lancés : nouvelle usine de dessalement à Ironi Bé, forages supplémentaires, retenue collinaire à Ouroveni. Mais pour les habitants, les robinets restent désespérément secs. « On entend les promesses, mais on a encore soif », lâche Madi, un jeune habitant de Bandraboua.

L’eau, un droit ? Pas pour tout le monde

Mayotte, c’est aussi une démographie galopante et une île qui peine à suivre le rythme. 450 000 habitants attendus d’ici 2030, mais un réseau d’eau qui date d’une autre époque. « On a une île qui vit avec des outils du passé », résume Yves Kocher, directeur de l’eau et de l’assainissement pour le Plan Eau Mayotte. Pire encore, les nappes souterraines ; solution rapide et moins chère, sont mal connues. « On pompe sans savoir ce qu’il reste au fond. » Et le dessalement ? Efficace, mais polluant. « Ce n’est pas la solution miracle », prévient Kocher. La vraie urgence : moderniser, réparer, et surtout expliquer.

Et maintenant ? Reprendre confiance, une goutte à la fois

L’objectif, selon les autorités, c’est de faire de l’eau du robinet une eau sûre, accessible, digne de confiance. Car tant que les Mahorais préféreront l’eau en bouteille, le cycle de méfiance et de pollution continuera.

« Quand on vit sur une île, on fait avec l’eau de l’île », résume Kocher. Il faut encore que cette eau soit propre, et qu’elle arrive.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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