Comores : De la finance aux visages – le bilan de la BAD  

Après dix ans à la tête de la Banque africaine de développement, l’économiste nigérian dresse un bilan incarné : celui de vies changées, de ponts construits, de repas sauvés. Loin des bureaux feutrés, il parle des gens.

À Abidjan, dans une salle pleine à craquer, Akinwumi Adesina ne s’est pas contenté de chiffres. Pour son dernier discours en tant que président de la Banque africaine de développement (BAD), il a parlé des enfants du Lesotho qui vont à l’école sans craindre les maladies, des agriculteurs de 29 pays qui, grâce à un plan d’urgence ont pu produire 44 millions de tonnes de nourriture, ou encore du pont entre le Sénégal et la Gambie, devenu un trait d’union vital pour les communautés locales.

Une banque au service des gens, pas des classeurs

Pendant dix ans, cet ancien ministre nigérian de l’Agriculture a dirigé l’une des institutions financières les plus puissantes du continent. Mais lundi dernier, il s’est adressé aux Africains, pas aux actionnaires. « Ce n’est pas moi qu’il faut croire. Demandez au peuple », a-t-il lancé avec une sincérité qui tranchait avec le ton habituel de ces grands rendez-vous économiques.

Sous sa direction, la BAD est passée d’une capitalisation de 93 milliards à 318 milliards de dollars. Impressionnant, certes. Mais ce qui l’est davantage, c’est ce que cette machine financière a permis : électricité, eau, soins, routes, usines. Plus de 565 millions de vies touchées, selon les chiffres avancés. Mais ce sont surtout les visages que lui voit. « Il y a dix ans, je n’avais pas un cheveu gris », glisse-t-il avec humour, avant d’ajouter, plus grave : « Gris pour avoir tout donné au service du peuple africain. »

L’Afrique doit miser sur elle-même

Le thème de ces dernières réunions sous son mandat est limpide : « Mieux mobiliser le capital africain pour le développement de l’Afrique ». En effet, il faut utiliser davantage les ressources du continent pour bâtir son avenir, sans toujours tendre la main à l’extérieur. Un appel lancé à plus de 6 000 délégués de 81 pays réunis à Abidjan pour repenser l’avenir économique africain.

Et aux médias, Akinwumi Adesina demande un engagement clair : « Vous êtes les conteurs de l’Afrique. Posez les questions difficiles. Racontez les vraies histoires. » Un message qui résonne particulièrement dans nos îles, où trop souvent, les décisions prises sur le continent semblent lointaines, déconnectées.

Et nous, dans tout ça ?

Aux Comores, à Madagascar, à La Réunion, à Maurice ou aux Seychelles, combien savent que certaines infrastructures ici aussi portent la marque de cette institution ? Que des écoles, des ports, des routes ont été réhabilités grâce à ces fonds ? Que la BAD soutient aussi des projets dans les Outre-mer africains souvent oubliés ?

Akinwumi Adesina tire sa révérence, mais il laisse derrière lui une question essentielle : que faisons-nous, ici, de ces ressources ? Que faisons-nous pour que les prochains bilans, ceux de demain, soient écrits avec nos voix, depuis nos terres ?

Hadjani ANDRIANARINIVO

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