Discours haineux à Madagascar : entre colère sociale et incitation à la violence

À Madagascar, les tensions politiques et sociales continuent d’alimenter les discours haineux en ligne. Le dernier rapport de la newsletter FEO révèle une montée inquiétante des appels à la violence, attisée par des scandales politico-judiciaires et des projets controversés.

Un climat socio-politique explosif

Les dernières semaines ont été marquées par des événements qui ont mis à rude épreuve la stabilité politique du pays. L’affaire des cocktails Molotov, découverts devant des bâtiments sensibles début avril, a déclenché une vague d’interpellations et de réactions politiques en chaîne. Très vite, le colonel Patrick Rakotomamonjy, soupçonné d’être lié à l’affaire, s’est exprimé sur les réseaux sociaux, accusant le ministère des Forces armées de corruption massive.

Simultanément, le projet minier Base Toliara, relancé par le président Andry Rajoelina, suscite l’hostilité d’une partie de la population, notamment à travers des critiques relayées en ligne, parfois virulentes. Le ton monte et les mots deviennent des armes.

La haine en ligne en chiffres

Entre le 14 avril et le 14 mai 2025, pas moins de 786 discours haineux et d’apologies de la violence ont été recensés par le monitoring de la plateforme FEO. Majoritairement postés dans des groupes de discussion sur Facebook (83 %), ces propos sont souvent véhiculés par des comptes réels (92,9 %), ce qui souligne une banalisation inquiétante de la haine.

Les principales cibles ? Les délinquants (86,8 %), suivis du président et de son gouvernement. Fait notable : les femmes sont presque autant impliquées que les hommes dans la diffusion de ces messages.

Le Sommet de la COI – un élément déclencheur à une révolte

La visite d’Emmanuel MACRON à Madagascar, dans le cadre du Sommet de la Commission de l’Océan Indien, a servi de détonateur. Dans les jours précédant l’événement, les appels à la violence se sont multipliés : instructions pour fabriquer des cocktails Molotov, mobilisation en ligne appelant à bloquer les routes et à défier les autorités, le tout sous couvert de « patriotisme ».

C’est un discours dangereux, qui transforme la colère du peuple en un vrai appel à se révolter. Il s’appuie sur l’idée que les dirigeants ont trahi le pays et que la France continue de le dominer en secret.

Études de cas – la haine au cœur du débat public

Deux cas illustrent la gravité de la situation. À Toliara, des messages incitaient à prendre d’assaut la Place du 13 Mai, appelant à l’équipement contre les forces de l’ordre et à exterminer les traîtres. À Antananarivo, un message publié dans un groupe populaire insultait des femmes à la peau foncée, qualifiées d’esclaves délinquantes, perpétuant des stéréotypes racistes hérités de l’histoire coloniale.

Ces discours, au-delà des mots, fragilisent le tissu social, encouragent la violence et mettent en péril la cohésion nationale.

Que faire ? Recommandations et pistes d’action

Face à cette montée de la haine en ligne, plusieurs pistes sont avancées :

  • Pour les autorités publiques : mieux contextualiser les crises, éviter les discours ambigus et renforcer les dispositifs d’alerte.
  • Pour les plateformes numériques : affiner les systèmes de modération, notamment en période de tension politique.
  • Pour les médias et la société civile : multiplier les actions de sensibilisation et proposer une couverture responsable des sujets sensibles.
Des paroles aux actes – une frontière fragile

La newsletter FEO tire la sonnette d’alarme : l’espace numérique malgache devient un champ de bataille idéologique où la haine se propage à grande vitesse. Défendre la liberté d’expression ne signifie pas tolérer l’appel à la violence. Il est urgent de reconstruire un espace de dialogue apaisé, où chacun peut s’exprimer sans crainte mais aussi sans nuire.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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