
« Ici, rien ne change si Paris ne secoue la table. ». Cette phrase d’un enseignant de Koungou résonne plus fort que jamais. Le 27 mai, le Sénat a adopté à une écrasante majorité un projet de loi qui bouleverse les règles du jeu à Mayotte. Derrière les mots technos, un message clair : l’État reprend les manettes. Et pour longtemps.
Un préfet tout-puissant, pour une île à la dérive
Jusqu’en 2031, le préfet de Mayotte aura la main sur tous les services de l’État. Une première. Sécurité, logement, santé, immigration, éducation : c’est lui qui pilote. L’objectif est de remettre de l’ordre dans une île submergée par les urgences. Car entre les bidonvilles qui s’étendent, les écoles surchargées et les coupures d’eau à répétition, la situation actuelle n’est plus tenable.
« On a l’impression d’être oubliés, laissés seuls avec des problèmes trop gros pour nous », lâche Fadma, mère de trois enfants à Kawéni. « S’ils veulent reprendre les choses en main, qu’ils viennent vivre ici, ne serait-ce qu’une semaine. »*
Chasser l’informel – construire le futur
Le texte ne fait pas dans la dentelle. Il promet de réguler les flux migratoires, de durcir les règles de séjour et surtout de désenclaver l’île, avec un nouveau grand projet : une piste longue et un aéroport sur Grande-Terre. Un choix validé par Emmanuel MACRON, face à la pression locale après le cyclone Chido qui a ravagé plusieurs quartiers en décembre dernier.
Mais le plus urgent est ailleurs. L’habitat informel explose. Les cases en tôle se multiplient, souvent reconstruites en urgence après chaque tempête. Le gouvernement veut aller vite : évacuer les bidonvilles, simplifier les recours, renforcer les contrôles.
“On n’a pas envie de vivre dans l’illégalité, mais on n’a pas le choix » témoigne Karim, à Dzoumogné. « Si on expulse sans reloger, ça finira mal. »
Structurer l’économie de l’île, ou laisser couler ?
La pêche, la construction, l’agriculture… autant de secteurs où le travail non déclaré est la norme. Le projet de loi veut remettre du droit, du cadre, du futur. Il prévoit la création d’un comité régional des pêches pour organiser cette activité vitale, à la fois pour l’alimentation locale et l’économie.
Mais pour beaucoup ici, les mots ne suffisent plus. Ce qu’ils veulent, ce sont des actes visibles, concrets, durables.
2030 dans le viseur : rêve ou point de bascule ?
Le texte fixe un cap : refondre le cadre institutionnel, reconstruire les infrastructures, étendre la politique de la Ville à toutes les communes jusqu’en 2030. Une promesse, ou une dernière chance ? Parce qu’au fond, cette loi ne pose pas qu’une question de gouvernance. Elle interroge : Mayotte peut-elle encore croire aux promesses venues de Paris ? Ou faudra-t-il que le changement vienne, cette fois, des voix d’ici ?


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