La Réunion :  Filière volaille – le préfet tape du poing sur la table pour mettre fin à une guerre fratricide

À La Réunion, la filière volaille est à nouveau dans la tourmente. Face à l’impasse entre coopératives et acteurs privés, le préfet Patrice Latron sort l’artillerie lourde : un ultimatum clair pour faire cesser les rivalités internes et respecter, enfin, les normes sanitaires et environnementales. « C’est une guerre fratricide qui n’a que trop duré », déplore le représentant de l’État.

Une baisse obligatoire de la production

Dans un courrier daté du 24 février, le préfet ordonne une réduction de 5 % par an de la production de volaille, tant que les capacités de traitement des déchets ne seront pas aux normes. Une sanction collective, dans l’objectif de stopper une spirale destructrice : poules gaspillées, œufs détruits, déchets enfouis, procédures judiciaires à répétition… « La situation est explosive, les victimes sont les éleveurs et les consommateurs », insiste le préfet.

Un secteur à la dérive malgré des objectifs ambitieux

La Réunion produit aujourd’hui à peine la moitié du poulet qu’elle consomme, l’autre moitié étant importée congelée. Pourtant, le plan de souveraineté alimentaire signé en 2023 visait un taux de couverture de 47 % d’ici 2030. Un objectif aujourd’hui compromis.

Evollys vs CPPR : deux visions, une filière déchirée

Au cœur du conflit : deux visions irréconciliables. D’un côté, Cédric Duchemann, patron de l’abattoir Evollys, pointe l’incapacité des usines CPPR (Sica Aucre et Sica Sable) à traiter les déchets : « On nous impose une baisse alors qu’on respecte les quotas. Le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas assez d’unités de traitement. »

De l’autre, Henri Lebon, président d’Urcoopa et ancien pilier de la CPPR, accuse Duchemann d’avoir fait cavalier seul : « Il a court-circuité la dynamique collective pour monter sa propre unité. Résultat : perte de temps, subventions envolées, autorisations bloquées. »

Une solution technique… toujours en attente

Pour sortir de l’impasse, la Sica Aucre propose la construction d’une nouvelle unité capable de traiter jusqu’à 26.000 tonnes de déchets. Validée par l’État, elle reste cependant bloquée administrativement, notamment par un refus de permis à l’Étang-Salé.

Henri Lebon insiste : « Si cette unité voit le jour, elle pourrait relancer toute la filière et désengorger les autres abattoirs. » Une réunion avec le préfet est prévue, dans l’espoir de faire bouger les lignes.

Un courrier qui passe mal, mais un sursaut nécessaire ?

Du côté des éleveurs comme des coopératives, le courrier du préfet est reçu comme une gifle. Beaucoup dénoncent un État inactif hier, autoritaire aujourd’hui. Pourtant, tous s’accordent : la filière ne peut plus continuer ainsi. « Ce courrier nous bouscule, mais peut-être que c’est le choc nécessaire pour retrouver un cap », confie un acteur de la filière sous couvert d’anonymat.

Souveraineté alimentaire ou cacophonie industrielle ?

À trop vouloir jouer en solo, la filière volaille réunionnaise s’est piégée elle-même. Le préfet lance un dernier appel à la responsabilité collective. L’avenir de la volaille en dépend.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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