
Ils sont nés entre les vagues et les volcans, au cœur de l’océan Indien. À Madagascar, aux Comores, à Maurice ou aux Seychelles, ils ont grandi sous les cocotiers, bercés par les promesses de lendemains meilleurs. Et pourtant, une même sensation les traverse, d’île en île : celle d’être oubliés dans leur propre pays.
Un départ qui n’est pas un caprice, mais une urgence
Car ici, sur ces terres que les touristes trouvent « exotiques », les jeunes, eux, voient autre chose : un quotidien fait de débrouille, de chômage, de rêves reportés. À Madagascar, un étudiant en médecine sur deux rêve de partir. Non pas par caprice, mais parce que les hôpitaux manquent de moyens, les salaires frôlent l’indécent, et l’avenir, flou, ressemble à une attente sans fin. Aux Comores, on se bat chaque jour pour obtenir un visa pour Mayotte ou Marseille, quitte à risquer sa vie en mer. À Maurice, même les diplômés de grandes écoles quittent l’île pour le Canada, la France ou l’Australie, lassés de frapper à des portes qui ne s’ouvrent pas. Aux Seychelles, malgré les plages de carte postale, les jeunes les mieux formés s’exilent, faute de perspectives locales.
Fuir. Partir. S’exiler. Voilà les mots qui reviennent dans les conversations entre amis, dans les rêves chuchotés au fond des dortoirs universitaires, ou dans les larmes des familles qui disent au revoir à leurs enfants à l’aéroport. Ce n’est pas une fuite de confort, c’est un appel de survie.
Pourquoi tant de talents quittent-ils la région ?
Parce que les politiques de développement ont souvent été pensées pour les autres : pour les investisseurs étrangers, pour les touristes fortunés, pour les multinationales minières et hôtelières. On promet monts et merveilles aux capitaux extérieurs, pendant qu’on néglige les idées locales, les petits entrepreneurs, les jeunes qui rêvent de bâtir ici, chez eux.
Dans toutes ces îles, on retrouve le même modèle hérité de la colonisation : une économie tournée vers l’exportation, des élites formées à l’étranger, des terres vendues à bas prix, des projets qui poussent sur des terres arrachées à ceux qui y vivaient depuis toujours. Et une jeunesse qui regarde tout cela avec une colère sourde.
Une jeunesse brillante et déterminée… en quête de chance
Mais cette jeunesse n’est pas seulement en colère. Elle est brillante, créative, déterminée. Elle veut juste une chose : qu’on lui donne une chance. La chance d’étudier, de travailler, de créer, de rester. De croire que l’avenir n’est pas forcément ailleurs.
Les dirigeants de la région parlent souvent d’« émergence ». Mais quelle émergence, quand elle ne profite qu’à une poignée ? Quelle modernité, quand elle laisse les jeunes sur le quai pendant que le bateau du développement vogue au large, rempli d’investisseurs étrangers ?
Inverser la tendance : écouter, valoriser, agir
Il est temps d’inverser le cap. D’écouter la voix de cette jeunesse, non pas comme un problème à gérer, mais comme une solution à valoriser. Car l’avenir de l’océan Indien ne viendra pas des hôtels cinq étoiles ou des concessions minières. Il viendra de celles et ceux qui, chaque jour, malgré les obstacles, rêvent de rester et de construire ici. Pas ailleurs.


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