
De Moroni à Antananarivo, en passant par Saint-Denis, les musulmans célèbrent l’Aïd El-Adha entre traditions, solidarité et défis du quotidien.
À Moroni, Anli, pêcheur de 52 ans, accroche sa ligne en silence. « Cette année, on a partagé un mouton entre trois familles. C’est cher, mais on ne peut pas rater l’Aïd. C’est le cœur de notre foi. » Comme lui, des milliers de Comoriens s’apprêtent à vivre l’Aïd El-Adha ce samedi 7 juin, dixième jour du mois de Dhoul-Hadj, dans une ferveur mêlée de joie, de stress et d’ingéniosité.
Aussi appelée fête du sacrifice, l’Aïd commémore l’épreuve du prophète Ibrahim (Abraham) prêt à sacrifier son fils. Elle marque aussi un moment d’union pour les familles et les communautés musulmanes à travers l’océan Indien.
Une même foi, des réalités différentes
Aux Comores, la fête est populaire et profondément ancrée. « Même ceux qui ont peu font un effort pour partager. L’Aïd, c’est le lien entre les pauvres et les riches, » explique un musulman. Le mouton reste la norme, mais la hausse des prix pousse certains à se regrouper pour l’achat. Des associations locales distribuent aussi de la viande aux plus précaires, dans un esprit d’entraide communautaire.
À La Réunion, l’Aïd est vécue dans la pluralité. L’île est un modèle de métissage culturel, où traditions religieuses et actions sociales se croisent. Dès l’annonce, les familles se préparent : achat du mouton, nettoyage des cours, organisation de la prière. Pour Housman Omarjee, imam de Saint-Pierre, cette période est l’une des plus spirituelles de l’année. Il rappelle que « les dix premiers jours de Dhul-Hijjah sont les plus méritoires », incitant à la prière, à la lecture du Coran et aux actes de solidarité. Sur l’île, la diversité des parcours et des origines rend cette fête encore plus vivante. Dans certains quartiers, la tradition du partage se traduit par des repas offerts aux voisins, parfois non musulmans. L’Aïd est ici un moment de transmission culturelle autant que de foi, dans une société où la pluralité religieuse et les liens familiaux façonnent la célébration.
À Madagascar, où les musulmans représentent environ 7 % de la population, l’Aïd prend une teinte plus discrète, mais non moins fervente. À Antananarivo, la mosquée d’Isotry accueillera des centaines de fidèles vendredi pour la prière. Le gouvernement a même décrété férié le 6 juin, jour d’Arafat, pour permettre aux familles de se préparer. Mais la réalité est dure : « Avec l’inflation, beaucoup ne pourront pas acheter de bête. On privilégie les dons, les partages, » témoigne Mohamed, commerçant du quartier 67 Ha. Malgré les difficultés, l’Aïd reste un moment de lien : entre générations, entre voisins, entre croyants.
Enjeux économiques et liens humains
Partout, le coût du sacrifice explose. Jusqu’à 400 euros le mouton à La Réunion, inabordable pour de nombreux foyers. À Moroni, les importations sont ralenties. Et à Tana, les prix flambent sur les marchés.Mais le cœur de la fête résiste. Dans les foyers modestes comme dans les familles aisées, l’essentiel est là : la foi, la prière, le partage.


Laisser un commentaire