Maurice : « Nous, on s’use. Eux, ils décident » – La retraite à 65 ans passe mal

“J’ai commencé à pêcher à 14 ans. J’ai 59 ans. Mes bras me réveillent la nuit. Et maintenant on me dit : encore six ans ?” déclare un pêcheur.

Sous prétexte de sauver les finances publiques, le gouvernement mauricien vient de repousser l’âge de la pension universelle (BRP) de 60 à 65 ans. Mais derrière les chiffres, ce sont des vies qu’on bouscule. Et dans l’île de Rodrigues, ce coup porté aux plus modestes est vécu comme une gifle. Une réforme « pour tous » qui oublie ceux qui n’ont jamais eu les mêmes chances.

Une réforme descendue d’en haut

Dans le budget 2025 – 2026, le gouvernement a annoncé que désormais, il faudra attendre 65 ans pour toucher la BRP, cette pension minimale que beaucoup appellent « leur seul secours ». Ni consultation, ni préparation. Juste une annonce, tombée comme une sentence. Et pour les Rodriguais, majoritairement employés dans l’agriculture, la pêche ou les services précaires, cette décision sonne comme une double peine : plus de travail, sans plus de reconnaissance.

« Ma mère a eu sa BRP à 60 ans. Moi, on me la refuse. On me dit : c’est pour l’économie. Mais à Port-Mathurin, c’est mon dos qui paye. » — Maryse, aide-ménagère.

Deux poids, deux retraites

Dans les faits, ceux qui restent au travail jusqu’à 65 ans, souvent cadres ou fonctionnaires, touchaient déjà la BRP en plus de leur salaire. Une bizarrerie dénoncée depuis 2008, mais jamais corrigée. Résultat : le système était à bout de souffle. Mais au lieu de réformer équitablement, le gouvernement coupe là où ça fait mal : chez ceux qui n’ont rien d’autre.

À Rodrigues, cette réforme est vécue comme un abandon. Car ici, l’espérance de vie est plus basse, les métiers plus pénibles, les alternatives quasi inexistantes. Comment parler de « justice budgétaire » quand on ne reconnaît même pas la pénibilité réelle du travail manuel ?

Et maintenant ?

Le gouvernement aurait pu faire autrement. Proposer une retraite anticipée pour les métiers usants. Impliquer les grandes entreprises. Réduire les privilèges des élites politiques. Mais non. Il a préféré frapper vite, fort et sans concertation.

Rodrigues n’a pas besoin de grands discours. Elle a besoin qu’on l’écoute. Que l’on reconnaisse ses réalités. Que la réforme ne soit pas seulement comptable, mais humaine.

“À la fin, ce n’est pas la réforme qui fait peur. C’est de sentir qu’on ne compte pas.”
— Ana, une institutrice.

Hadjani ANDRIANARINIVO

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