Malgré les millions investis, des milliers d’enfants mahorais n’ont pas de place à l’école. En cause : l’incurie locale, le béton qui tarde et une République absente des réalités du terrain.
Koungou, Mamoudzou, Bandrélé. Dans la cour poussiéreuse d’une école aux murs fissurés, les rires s’éteignent vite. Ici, la cloche ne sonne pas deux fois pour deux récréations, mais pour deux classes : une le matin, l’autre l’après-midi. 57 % des élèves du primaire à Mayotte partagent leur salle de classe avec un autre groupe, à tour de rôle. Une école en rotation. Un quotidien qui ressemble plus à un bricolage de fortune qu’à un service public digne de ce nom.
Selon la Chambre régionale des comptes (CRC), il manque 1 200 salles de classe pour accueillir tous les élèves du premier degré dans des conditions normales. Et ce, avant même les ravages du cyclone Chido, qui a détruit une partie du bâti scolaire. Alors que la population augmente, l’école reste à la traîne.
« On est censé apprendre à lire, à écrire… mais on a à peine trois heures par jour, et souvent sans cantine », souffle une élève.
Une crise du quotidien, pas des chiffres
Depuis 2016, plus de 200 millions d’euros ont été injectés par l’État pour l’école primaire mahoraise. Mais seulement la moitié a été réellement utilisée. Pourquoi ? Parce que les communes ne suivent pas, faute d’ingénieurs, de foncier, et parfois de volonté. La CRC dénonce une gestion locale défaillante : 38 % de moyens en moins que les communes hexagonales pour les fournitures, l’entretien ou la téléphonie. Et des pratiques illégales dans certaines mairies, qui refusent des inscriptions scolaires sur la base de documents non exigés par la loi. « Il y a de l’argent, mais on ne bâtit pas assez vite pour suivre la démographie. Et pendant ce temps, des enfants restent dehors », constate Nicolas Péhau, président de la CRC.
Des repas froids et des réfectoires fermés
Même la cantine est un mirage. Seuls 8 % des enfants reçoivent un vrai repas chaud. La plupart grignotent une collation peu nourrissante, souvent debout dans la cour. Pourtant, les réfectoires sont là, construits avec l’argent de l’État. Mais trop chers à faire fonctionner, selon certaines mairies. Quant au périscolaire ? Quasi inexistant. « Une garderie sans projet », conclut sèchement le rapport.
Et les enfants qu’on ne voit pas ?
Entre 3 000 et 5 000 enfants seraient non scolarisés à Mayotte. Invisible, ignorés, exclus. Ni comptés, ni encadrés. “Où sont-ils ?”, questionne la CRC. Une question lourde de silence.
À Mayotte, l’école ne manque pas de promesses. Elle manque de murs, de bancs, de bras et de vision. Tant que les enfants partageront leur salle comme on partage un pain trop petit, c’est toute une génération qu’on condamne à l’oubli.



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