Maurice – Madagascar : Jetés à l’eau – des pêcheurs malgaches brisés par un système qui profite du silence

Ils dorment dehors, après avoir nourri des bateaux pleins. Pour avoir réclamé une juste paie, une quinzaine de pêcheurs malgaches ont été expulsés de leur lieu de travail. Un simple mot : “dehors”. Pas de procédure. Pas d’écoute. Juste la rue. Dans le silence presque total des autorités, leur histoire raconte celle de nombreux travailleurs invisibles de notre océan Indien.

Trimer pour 20 roupies… le kilo

« 0,44$ par kilo de poisson, c’est ce qu’on nous donne. Alors que le barème officiel est bien plus haut. On n’a pas demandé la lune, juste de quoi vivre dignement », confie l’un des pêcheurs malgaches, la voix pleine d’amertume.

Depuis qu’ils ont osé réclamer une augmentation, ils sont sans travail. Pire : leur employeur les a fait descendre du bateau, en pleine nuit. Certains dorment aujourd’hui à la belle étoile. D’autres ont trouvé refuge chez des amis ou à l’Apostolat de la Mer.

Maurice recrute, mais ne protège pas

Ces pêcheurs ne sont pas les seuls. Des dizaines, peut-être des centaines de Malgaches travaillent sur les bateaux semi-industriels mauriciens. Officiellement, la loi impose que 50 % des équipages soient mauriciens. En réalité, beaucoup de bateaux sont 100 % étrangers. Moins chers. Plus dociles. Plus faciles à remplacer. Judex Rampaul, du Syndicat des pêcheurs, tire la sonnette d’alarme d’avoir dit au ministère qu’il faut réguler ce secteur parce que ces marins vivent l’enfer.

Des campagnes de 15 jours en pleine mer

Les conditions sont extrêmes : vagues de 7 mètres, froid, fatigue, isolement. Le métier est rude. Il mérite respect et reconnaissance. Or, même le barème officiel – 0,72$/kg pour les premiers 125 kg de poisson, 0,96$ au-delà – n’est pas appliqué. Ces marins, qui nourrissent des centaines de familles, sont traités comme du matériel jetable. Leur crime ? Avoir levé la voix.

L’océan Indien ne peut plus se taire

Ce n’est pas seulement une affaire de salaires. C’est une affaire de dignité. Une affaire d’humanité. Dans une région qui rêve d’intégration, peut-on continuer à exploiter ceux qui traversent les frontières pour survivre ?

Hadjani ANDRIANARINIVO

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