Langage d’amour silencieux – Dans nos familles, aimer fait peur aux mots

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« Ma mère ne m’a jamais dit ‘je t’aime’. Mais elle m’a toujours découpé les mangues en petits morceaux. » Bienvenue dans des milliers de foyers malgaches, comoriens, africains. Où l’amour ne se dit pas. Il se cuisine. Il se paie discrètement par Mvola. Il se devine. Ou non. 

Chez nous, aimer c’est se taire (mais bien nourrir)

Ici, on ne dit pas “je t’aime”. On dit : “T’as mangé ?” ; “Prends ton pull, il fait froid.” ; “Tiens, c’est pour le taxi.”. Pas de câlins. Pas de « je suis fier de toi ». Mais une assiette chaude, un regard dur.

Pourquoi ils aiment sans le dire ?

Parce que chez eux, dire ses sentiments, c’est se mettre à nu. Et chez nous, la pudeur, ça se transmet comme l’héritage. “L’amour, c’est pas fait pour être dit. C’est fait pour être prouvé.”. Nos parents ont grandi dans un monde où l’affection, c’était un luxe. Et nous, on grandit dans le silence… avec une boule dans la gorge.

Les preuves d’amour qu’on n’appelle pas comme ça

1. La nourriture comme déclaration

Ta mère se lève à 4h pour cuire ton riz préféré. Ton père fait semblant de râler mais te ramène un soda en douce. “Un jour, elle a tué un poulet juste parce que je revenais du campus.” – Andy, 22 ans

2. Les services muets

Un oncle qui t’attend à l’arrêt de bus sans prévenir. Une tante qui t’achète un savon alors que tu n’as rien demandé.

4. Les prières secrètes

Un murmure à l’aube, une bénédiction pendant que tu dors.

Et nous, on en fait quoi de ça ?

On encaisse. On traduit. Mais on commence aussi à briser le silence. “J’ai dit ‘je t’aime’ à ma mère. Elle a tourné la tête… mais elle a souri.” – Sarobidy, 24 ans

On est la génération du « je t’aime » par SMS, du câlin en public, du “ça va vraiment ?” sincère. Mais en face, ça coince. On nous répond : “Vous êtes trop sensibles.”
Ou pire : “Vous avez oublié vos racines.”

Nous, on veut dire les mots. Mais sans renier les gestes.

C’est pas une guerre entre anciens et modernes. C’est un pont à construire. Parce qu’on veut : continuer à manger le riz coco du dimanche, mais aussi pouvoir dire “je t’aime” à table sans que tout le monde baisse les yeux.

Ce qu’on veut aujourd’hui ? Traduire.

Traduire ces silences en mots. Ces gestes en phrases simples. Sans casser les traditions. Mais en les mettant à jour “Moi, mes enfants sauront que je les aime. Je vais leur dire. Tous les jours s’il faut.” – Hery, 27 ans, bientôt papa

En vrai, l’amour ne doit pas être un secret de famille. On peut aimer sans dire. Mais on peut aussi aimer et dire. Et c’est ce que notre génération est en train de réinventer.

Hadjani ANDRIANARINIVO 

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